Cheminement artistique et objectifs de création, découvrez la biographie en 3 chapitres du peintre Bernard Delaunay (1946-1996). De ses recherches consacrées à la composition à celles sur la représentation de l’instant.
Notice biographique
Naissance
14 octobre 1946
À Saint-Aubin d’Aubigné, Ille et Vilaine
Décès
10 mars 1996
À Villejuif, Val de Marne
Formation
1960-1963
Élève à l’École des Beaux-arts de Rennes, cours de dessin
1963-1978
Étudiant à l’École des Beaux-arts de Rennes, atelier de Jean Durand-Henriot
1966
Diplôme du CAFAS (Certificat d’aptitude à une formation artistique supérieure)
1967
Diplôme de lithographie
1968
Diplôme national des Beaux-arts, section peinture
Carrière professionnelle
1968-1980
Professeur d’arts plastiques, Éducation nationale
1980-1996
Professeur de peinture, École des Beaux-arts de Caen
Courants artistiques
1963-1982
Postimpressionnisme, minimalisme figuratif et abstrait, support(s)-surface(s)
1982-1985
Peinture symbolique
1986-1996
Peinture de l’instant, paysage, intérieur
Distinction
1986
Salon des Artistes français, Grand Palais, Paris
Section Peinture : Mention Honorable et Prix du Paysage – Prix Henri Zuber pour « La bourrasque »
« La création peut être conflictuelle, douloureuse, terrible, pas forcément joyeuse.
Bernard Delaunay, Journal, 1994
Un, deux, trois : sautez ! Vous avez fait un chef-d’œuvre dans la joie et la bonne humeur. Je n’y crois pas.»
Biographie du peintre Bernard Delaunay
De l’apprentissage à la période minimaliste
1963-1982
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Les vingt premières années de la carrière artistique du peintre Bernard Delaunay sont marquées par une recherche de la composition. On retrouvera ces lignes dans les dernières œuvres de la période 1986-1996.
Le postimpressionnisme
Bernard Delaunay se forme à l’École des Beaux-arts de Rennes dans l’atelier de Jean Durand-Henriot, un admirateur des impressionnistes. Il apprend la technique de la peinture à l’huile en faisant des figurations à la Cézanne. Pendant ses années d’étude, il réalise des portraits (n°inv. 1614), des natures mortes (n° inv. 1612), des paysages (n°inv. 1616) et fait de nombreuses copies de modèles vivants.
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Le minimalisme abstrait
Les huiles
Dans les années 1968-1975, Bernard Delaunay s’intéresse aux différents mouvements de peinture contemporains. Il réalise des huiles abstraites avec beaucoup de matière qu’il étale au couteau sur toile plastique ou toile de lin.
Les encres
Bernard Delaunay expérimente des colorants industriels délayés dans l’essence. Il en résulte des compositions structurées, rectilignes avec des symétries et des superpositions de couleurs dans ses tons de prédilection : les violets et les oranges, des « encres minimalistes abstraites ». Des dégradés sur papier avec « Coulées », des grands formats sur toile de lin avec « Drap teint aux chevrons bleus ».
L’article du « Ouest France Ille et Vilaine », du 17 décembre 1976, sur la manifestation du Nouveau groupe de Constat-Rennes à la Maison de la Culture dira : « Bernard Delaunay traite (…) de beaux dégradés d’encrage sur toile avec des effets atteignant presque au relief. »
Les techniques mixtes
À partir de 1975, Bernard Delaunay revient à la peinture à l’huile et réalise des peintures minimalistes abstraites dans l’esprit des encres sur toile de lin. Il associe d’autres matières à l’huile tels que les pastels, dans des tonalités sombres noires et grises, comme « Sans titre » (n°inv. 1119) datée 1975. Parfois il leur attribue des titres comme sa série « Stèles » dont l’une, intitulée « Cénotaphe », réalisée en 1978, est dédiée à un ami disparu. Cet hommage réunit huile, sparadrap et papier.
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La fin de la période abstraite
Les années 1974-1975 sont marquées par plusieurs rencontres décisives avec Marc Devade, peintre abstrait théoricien, figure emblématique du mouvement Support(s)-Surface(s).
Pour moi, en 1975 l’abstraction était périmée. (…) Je me laissais gagner par mes angoisses, mes désirs, traversais une première crise mystico-figurative, lisse et glacée…
Bernard Delaunay, Journal, 1995
Le minimalisme figuratif
Structure
Les peintures de la période minimaliste figuratif sont de grand format. Réalisées sur toile de lin, elles sont structurées avec des lignes droites, des couleurs bleu-gris et rose pâle peintes en aplats.
Scènes d’intérieur
L’artiste prend pour modèle son intérieur et les objets qui lui sont familiers, comme une table sur le balcon avec des pots de fleurs ou encore un canapé aux lignes sobres. On retrouve souvent dans ces décors, une encre abstraite qu’il a créée deux ou trois ans ans auparavant.
Scènes d’extérieur
Les scènes d’extérieurs ont un ciel pur, réalisé avec des pinceaux plats et larges qui étalent la matière du bas vers le haut dans un dégradé parfait, sans marque, sans limite. L’artiste qualifiera ces peintures abstraites ou figuratives, réalisées entre 1972 et 1982 sous la même appellation : « minimalistes ».
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Les années de rupture
1982-1985
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En avril 1982, au cours d’un voyage en Russie, les œuvres de Matisse, qu’il voit au musée de l’Ermitage, le marqueront au point d’orienter son travail dans les années 1980.
Le symbolisme
À partir de 1982, les figures sont tourmentées, les formes violentes. Il y a un retour à la couleur pure et aux tonalités contrastées.
Depuis l’été dernier, une rupture s’est produite dans mon travail, la série grise et les intérieurs clairs semblent être temporairement arrêtés.
Bernard Delaunay, Journal, 1982
Les supports hétéroclites
Le peintre réalise ses recherches sur des supports hétéroclites trouvés dans des brocantes : tôle, carton épais, plaque de bois ou de contreplaqué provenant de mobiliers divers, dossier de lit, portes de placard, plateau de table roulante.
Les ambiances
Il produit des séries sur des thèmes variés : les îles, les temples, le jardin d’Eden, les anges, le paradis, les baigneuses, la guerre, les saunas. Ces séries sont peintes à l’huile, avec des bleus, des rouges, des roses, des jaunes, des orangés, de nombreux collages renferment une richesse de matière et d’ambiance.
Intimité et auto-cure
Cette peinture est à la fois intime (elle est influencée par ses troubles et ses drames intérieurs) et lointaine, révélant un ailleurs. Faite de mythes et de légendes, elle utilise le symbolisme comme une auto-défense, une auto-cure.
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La peinture de l’instant
1986-1996
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La dernière décennie est définitivement consacrée à l’émotion, à la recherche de la transcription d’une atmosphère, d’un instant.
L’Aube et la Côte basque
À partir de 1985, Bernard Delaunay séjourne chaque été chez des amis, à la campagne ou au bord de l’océan.
Un environnement rural
À Chesley, village entre la Bourgogne et la Champagne, environné de collines et de vergers, il est accueilli dans une vaste maison familiale dont les nombreuses dépendances sont laissées à l’abandon. Dans cet environnement rural, il s’attache à des thèmes récurrents tels que les champs, le jardin, les intérieurs et les extérieurs de jour comme de nuit. Autant de sujets qui permettent l’observation de la lumière sur le bois, la pierre, les arbres, dans l’espace, et de nouvelles impressions à chaque instant.
Ce n’est que récemment que j’ai compris qu’en peignant cette maison, j’en avais peint une autre enfouie, abandonnée, oubliée dans la nuit de ma mémoire, ses fenêtres toutes éclairées, beauty après les paroxysmes.
Bernard Delaunay, Journal, 1994
Plantes exotiques et architecture gothique
Dans le quartier de La Chambre d’Amour, sur la côte basque, un ami acquiert un moulin, le Moulin Barbot, où Bernard Delaunay passe une partie de l’été. Dès sa première visite, il est enthousiasmé par les lieux presque sauvages, le jardin aux plantes exotiques, l’architecture en arches gothiques, la source et le ruisseau.
Progressivement lors de séjours chez des amis, viendrait une peinture de l’instant, peintures prises de notes, qui se souvenaient de mes premières amours.
Bernard Delaunay, Journal, 1995
Des lieux propices aux séries
Dans ces régions très ensoleillées en été où la nature explose et dans ces intérieurs de maisons, riches d’histoire et d’objets, où il s’installe, il réalise des séries. La représentation devient libre, l’émotion lumineuse.
Chaque départ à Chesley et à Biarritz nécessite des préparatifs importants : châssis, entoilage, enduit… En mai 1990, Bernard Delaunay écrit à son ami « je suis prêt pour la Villa Belza et la promenade au phare ». L’été suivant, il réalise des dizaines de tableaux sur ces deux sujets. Il peint sur toutes sortes de supports (carton, isorel, contreplaqué, toile de lin, toile de jute).
Une variété tonale et formelle
Durant toutes ces années, dans l’Aube et au bord de la Côte basque, il donne l’impression d’absorber une variété tonale et formelle, allant du baroque ou au dépouillement. Parfois, le support se vide et ne retient que quelques traits à l’encre ou au fusain sur un fond à peine coloré. Le journaliste Patrick Nicolle souligne dans son article (« Liberté Le Bonhomme libre » 8 février 1991), consacré à une exposition d’œuvres récentes : « Bernard Delaunay reste marqué par le Minimalisme qui lui a appris à cerner l’essentiel ».
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La Normandie
La littérature
Au sein de son atelier en Normandie, il effectue des recherches. À travers la littérature, il trouve parfois des sujets et s’inspire de l’atmosphère décrite par des écrivains qu’il affectionne : Gracq (« Le Rivage des Syrtes » aquarelle décembre 1995), Mishima (« Hommage à Mishima »), Pavese, Loti, Woolf…
Souvent nous exécutons un travail en pensant à une œuvre qui nous a fortement impressionnés. Obligés de retrouver la page qui résumait toute cette atmosphère, nous ne la retrouvons pas, et réalisons en fait que notre mémoire a synthétisé plusieurs passages en une vision qui n’existe pas dans le roman mais qui en émane, qui en découle.
Bernard Delaunay, Journal, 1994
Déprimé, déphasé, j’avais eu la fâcheuse idée de me plonger dans ‘Le Pavillon d’Or’. Pris par la glu, je me noyais dans des pages superbes qui m’entraînaient invinciblement au fond de l’abîme. Six mois après, je peignais un immense triptyque de mon atelier la nuit, avec la faible lumière de la nuit, ses ombres, le reflet d’une verrière, la présence de la lune dans un miroir posé à terre.
Bernard Delaunay, Journal, 1990
📎 Lire l’article Le thème de l’atelier dans la peinture de Bernard Delaunay
Les chevaux
La commande de la Compagnie Brittany Ferries pour la décoration du Mess des officiers des Ferries « Barfleur » et « Normandie », aux sujets, dimensions, matière, support et nombre imposés, s’inscrivent dans cette période où l’artiste crée des paysages d’été aux ambiances violettes ou roses, vertes ou bleues, sur des fonds acryliques jaunes rehaussés d’huile.
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Les paysages
La région normande, où il réside, lui fournit de nombreux sujets : son jardin d’Épron, près de Caen, les marais d’Hermanville-sur-Mer, le bois des Riffets à Bretteville-sur-Laize, les collines de Jurques.
Les bâtiments industriels
La disparition des témoignages de l’Histoire est une source d’émotion qu’il canalise par des productions colorées : « Les fabriques du Pays d’Auge » 1974, « Le hangar d’Épron » 1990, « L’enterrement de la gare routière » 1987, ou « La société métallurgique de Normandie » 1993.
Usine en grève, un monde industriel meurt, et ces traces, lentement, s’effacent de notre mémoire. Déjà, la grande usine de briques que je voyais en allant à Caen, n’existe plus. Depuis quand avait-elle disparu lorsque je m’en suis souvenu ?
Bernard Delaunay, Journal, 1982
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Le corps humain
À partir de 1985, il s’intéresse au corps humain, en particulier aux corps d’athlètes en mouvement comme au repos. Il les représente dans les jardins, dans leur travail, dans les saunas. Une série révèle une variété de matières, de couleurs, de formes et d’ambiances rendues dans des roses, des bleus et des orangés.
Les grands décors
Durant ces années très productives, Bernard Delaunay mène sa recherche picturale et son métier de pédagogue à l’École des Beaux-Arts de Caen. Il organise la réalisation avec ses élèves de grands décors :
- fresque évoquant l’histoire d’un quartier, palissades entourant le chantier de restauration de l’église Saint-Sauveur à Caen (1989),
- décor de scène pour le Conservatoire national de la Région Basse-Normandie à l’occasion d’un concert consacré aux « Forains » de Sauguet et à « Parade » de Satie (1990).
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Ce dernier travail aux couleurs primaires éclatantes et à la gestuelle vigoureuse rappelle la série « Guillaume et Mathilde ». Cette série a été réalisée spécialement pour l’exposition « Guillaume » à Caen et à Saint-Lô, dédiée au 900e anniversaire de la mort de Guillaume Le Conquérant.
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Bernard Delaunay laisse un atelier de près de 2000 œuvres dont un grand nombre de travaux sur papier. Il a principalement réalisé des peintures à l’huile sur toile et utilisé les crayons, fusains, sanguines, pastels, encres de Chine, gouaches et aquarelles pour ses œuvres graphiques.
Annexes
Listes des événements et des mentions concernant le peintre Bernard Delaunay :
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