L’atelier, dans la peinture de Bernard Delaunay, est un thème majeur. Il est représenté dans plus de 70 œuvres réalisées tout au long de la carrière de l’artiste. Ce sujet témoigne de l’importance de l’espace de travail et de la force de l’imaginaire.
L’atelier dans la peinture de Bernard Delaunay : un lieu et un sujet
Empli des odeurs de fixatifs, vernis et peintures à l’huile, l’atelier est un lieu hors du temps et des autres. Les intempéries et les variations de lumière sont ici peu perceptibles. Dans ce refuge, au calme, le peintre choisit ses couleurs.
J’aime mon atelier, tard la nuit, lorsque, harassé de fatigue, je dois l’abandonner et laisser là les instruments de mon plaisir. Lumières éteintes, je reste là à contempler le champ de mon activité, son ordre ou son abandon, son incohérence nocturne, déstructurée et abstraite et, dans l’encre de la nuit, à écouter les signes espacés d’activités humaines entre de longues plages de silence.
Bernard Delaunay, Journal
L’atelier, dans la peinture de Bernard Delaunay, apparaît comme un sujet en soi. Devant un paysage, l’artiste se laisse guider par ses émotions. Il est influencé par ce qu’il voit, par les couleurs et la lumière. Dans son atelier, il va chercher son inspiration ailleurs. Il la trouve dans ses souvenirs ou ses lectures. Le sujet de l’atelier témoigne d’une forme d’introspection. En choisissant ce thème, l’artiste ne représente pas seulement le lieu, il se peint lui-même.
Les représentations de l’atelier dans la peinture de Bernard Delaunay
La première œuvre sur le thème de l’atelier date de 1974
La première représentation de l’atelier dans la peinture de Bernard Delaunay date de 1974. Intitulée « L’atelier à Vimoutiers », c’est une huile sur papier aux couleurs rouges. Elle expose une toile blanche, rayonnante, posée contre un mur du séjour de l’appartement de l’artiste.
En 33 ans de carrière, Bernard Delaunay a occupé plusieurs ateliers en France. Il leur a consacré plus de 70 œuvres. Ses peintures traduisent leur atmosphère. Il emploie un cadrage oblique ou frontal. Il montre des formes rectilignes éparpillées. Ces losanges, ces trapèzes sont les toiles tendues sur des châssis en cours de création.
À chaque atelier, une tonalité
Au Val au Moine, dans l’Aube, Bernard Delaunay s’installe dans la maison du jardinier. Lorsqu’il ne peint pas les champs, il revisite cet intérieur. Toutes sortes d’objets y sont entreposés. La lumière de l’été filtre à travers les carreaux des portes-fenêtres. Il utilise des couleurs chaudes qu’il applique par des touches alertes.
Sous les toits de la maison d’Épron, dans le Calvados, Bernard Delaunay travaille le plus souvent de nuit. Sur ses tableaux, il présente dans des tonalités bleues le matériel de peinture et les objets dénichés dans des brocantes. On y trouve des tables, des chaises, des miroirs, des tapis, des vases, des pendules, des lampes…
Sur la Côte basque, où Bernard Delaunay va régulièrement, il séjourne au Moulin Barbot, à Anglet. Dans cette villa, la salle à manger aux murs hauts se transforme en atelier le temps de l’été. L’artiste la peint sur de grands formats de près de 2 mètres de hauteur.
La chambre de l’hôpital, où le peintre meurt en mars 1996, forme son dernier atelier. Ici, il utilise l’aquarelle, l’encre de Chine, des crayons, des fusains. Il ne représente pas ce qu’il voit. Il dessine sa maison d’Épron dans un style épuré. La salle à manger familiale est retranscrite dans une ambiance lumineuse. La surface du papier est gardée blanche, le mobilier choisi est décrit avec précision.
Mais le plus beau des ateliers c’est la nature qui me l’offre. Peindre dehors est pour moi effusion, parade d’amour afin de rivaliser avec le modèle parfait.
Bernard Delaunay, Journal
★ L’exposition consacrée à ce sujet :
« Ateliers du peintre » du 2 au 28 février 2005, Plein cadre-Galerie Joël Leloutre, Caen